Expulsions de migrants irréguliers, Nouakchott réagit

Deutsche Welle – Dans un entretien accordé à la DW, le chef de la diplomatie mauritanienne est revenu sur la récente reconduite aux frontières de migrants en situation irrégulière.
Mohamed Salem Ould Merzoug a justifié cette décision en mettant en avant la nécessité de lutter contre les réseaux de trafiquants et de préserver la sécurité nationale.
L’occasion également d’aborder d’autres sujets d’actualité, notamment les relations avec les pays voisins, la situation en Afrique de l’Ouest et l’évolution du rôle de la France dans la région.
Une politique migratoire justifiée par la lutte contre les trafiquants
Interrogé sur les raisons de ces mesures de reconduite aux frontières de migrants considérés en situation irrégulière, le chef de la diplomatie mauritanienne a souligné que la Mauritanie, longtemps un pays de transit, était devenue une destination pour de nombreux migrants. Cette situation a conduit le gouvernement à adopter une politique stricte de gestion et de lutte contre l’immigration irrégulière.
»Il était de notre responsabilité d’agir pour protéger les migrants des réseaux criminels et des passeurs. Nous avons constaté les drames humains causés par ces flux migratoires, avec des familles endeuillées après des tragédies en mer. Il était impératif d’intervenir ».
Le ministre a également précisé que des moyens importants avaient été déployés pour démanteler ces réseaux. Il a notamment annoncé que quatre groupes de trafiquants comprenant des Mauritaniens et des Étrangers avaient été récemment neutralisés, et que les autorités mauritaniennes poursuivraient leurs efforts pour limiter la présence de migrants en situation irrégulière sur le territoire.
Une possibilité de régularisation déjà offerte
Concernant la possibilité pour ces migrants de régulariser leur statut, Mohamed Salem Ould Merzoug a rappelé qu’une initiative avait été mise en place dès 2022.
»J’ai personnellement rencontré les ambassadeurs et représentants des communautés concernées à Nouakchott en 2022. À l’époque, le ministère de l’Intérieur avait offert une opportunité de régularisation, permettant à 130 000 migrants d’obtenir gratuitement une carte de séjour. Cette régularisation était une demande insistante des migrants eux-mêmes appuyés par leurs missions diplomatiques accréditées en Mauritanie ».
Toutefois, selon le ministre, il appartenait ensuite aux bénéficiaires de renouveler leur situation légale, ce que certains n’auraient pas fait, justifiant ainsi leur reconduite aux frontières.
Des accusations d’humanité rejetées
Face aux critiques émises par plusieurs ONG, y compris mauritaniennes, qui dénoncent des expulsions qu’elles jugent brutales et inhumaines, Mohamed Salem Ould Merzoug a fermement contesté ces accusations.
»Nous respectons le travail des organisations de défense des droits humains, mais certaines d’entre elles véhiculent des contre-vérités. La Mauritanie est un pays d’accueil, et toutes les reconduites à la frontière ont été effectuées dans le respect des droits humains ».
Le ministre a insisté également sur le fait que les forces de sécurité mauritaniennes avaient reçu une formation spécifique en matière de respect des droits fondamentaux, dispensée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Relations avec le Sénégal : un risque de tensions ?
Interrogé sur la demande d’une mission d’information parlementaire formulée par un député sénégalais, Mohamed Salem Ould Merzoug a préféré éviter la polémique.
« Il ne m’appartient pas de commenter les déclarations d’un député, qu’il soit mauritanien ou sénégalais ».
Il a toutefois tenu à rassurer sur l’état des relations diplomatiques entre les deux pays, affirmant que les discussions récentes entre les gouvernements de Nouakchott et Dakar avaient été constructives.
« La visite du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko en Mauritanie en janvier 2025 témoigne de la solidité de nos relations bilatérales. A cette occasion, tous les sujets d’intérêts communs ont été abordés, y compris la question des migrations. Une nouvelle convention bilatérale sur la circulation et l’établissement des personnes a été l’objet d’un accord entre les deux pays. Ce texte est presque bouclé. Il doit être signé dans les tous prochains jours ».
L’avenir de la Cédéao et la Confédération des États du Sahel
Concernant la tentative du président ghanéen John Dramani Mahama de convaincre le Niger, le Burkina Faso et le Mali de réintégrer la Cédéao après leur départ fracassant en janvier 2024, Mohamed Salem Ould Merzoug a adopté une position diplomatique.
»La Mauritanie entretient d’excellentes relations avec ces trois pays frères. Nous respectons leur souveraineté et leurs décisions. En parallèle, nous restons également en bons termes avec la Cédéao, bien que nous ayons quitté l’organisation en 2000 ».
Il a toutefois réaffirmé l’engagement de la Mauritanie en faveur de l’intégration régionale, soulignant que l’avenir de l’Afrique se jouera sur le plan économique et institutionnel à l’échelle régionale.
Le sort de Mohammed Bazoum continue de préoccuper la Mauritanie
L’ancien président du Niger, Mohammed Bazoum, renversé en juillet 2023 et toujours détenu par les militaires à Niamey, suscite des inquiétudes au sein de la diplomatie mauritanienne.
»Son sort nous préoccupe et nous travaillons activement, avec d’autres partenaires, pour obtenir sa libération. Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani a tenté d’intervenir lorsqu’il était à la tête de l’Union africaine en 2024, et il poursuivra ses efforts ».
Cependant, le ministre a insisté sur la nécessité d’une certaine discrétion dans ce genre d’initiatives pour garantir leur efficacité.
Le recul de la présence militaire française en Afrique
Enfin, concernant le désengagement progressif de la France en Afrique – marqué par le retrait des troupes du Tchad, la fermeture de bases en Côte d’Ivoire et au Sénégal –, Mohamed Salem Ould Merzoug y voit un signe de souveraineté accrue des pays africains.
»L’Afrique veut prendre son destin en main, y compris en matière de sécurité. Ce que nos partenaires étrangers, y compris la France, comprennent parfaitement et approuvent en grande partie ».
Cependant, il a tenu à rappeler que la Mauritanie, contrairement à d’autres pays de la région, n’a jamais accueilli de bases militaires étrangères.
»C’est un choix dont nous sommes fiers ».
L’expulsion des migrants irréguliers de Mauritanie, bien que controversée, s’inscrit donc selon le gouvernement dans une politique de lutte contre l’immigration clandestine et la criminalité qui l’entoure. Malgré les critiques, Nouakchott affirme avoir respecté les droits humains et maintenu de bonnes relations avec ses voisins. Par ailleurs, la Mauritanie revendique jouer un rôle diplomatique actif en Afrique de l’Ouest, que ce soit sur les questions d’intégration régionale, la crise nigérienne ou l’évolution des alliances militaires sur le continent.
Par Eric Topona
Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle
Rosso : un gendarme et un policier envoyés en prison après quelques heures de la décision de contrôle judiciaire
Future Afrique – Un gendarme et un policier accusés de trafic d’étrangers ont été envoyés en prison, quelques heures après la décision du juge d’instruction de les placer sous contrôle judiciaire.
Selon des sources, le procureur de la République à Rosso a fait appel de la décision du juge d’instruction concernant leur placement sous contrôle judiciaire.
Le juge d’instruction avait refusé de répondre à la demande du procureur de la République et avait placé le gendarme sous la surveillance de la brigade de gendarmerie de Rosso, et le policier sous la surveillance de la police.
Cette affaire a été soulevée après que l’unité du Groupe d’Intervention Rapide et de Surveillance (GARSl) de la gendarmerie nationale a intercepté, mercredi dernier, une tentative de trafic de six étrangers en route vers Nouakchott, en passant par la ville de Rosso.