En Mauritanie, Aziza Sidi Bouna, l’ingénieure qui lutte contre le changement climatique grâce aux déchets animaux
PNUD – « Contribuer à atténuer le changement climatique », c’est le grand défi que s’est lancé Aziza Sidi Bouna, 32 ans.
Pour cela, cette ingénieure mauritanienne en énergies renouvelables a développé une solution innovante : produire du biogaz à partir des déchets animaux, végétaux et domestiques. Une pionnière dans son domaine qui est bien déterminée à révolutionner ce secteur en Mauritanie. Ainsi, en 2019, elle lance SBGAZ, une start-up spécialisée dans la valorisation des sous-produits agricoles et d’élevage.
Régulièrement, elle arpente les marchés de Nouakchott, la capitale, à la recherche de cette matière première si précieuse pour elle.
« Jusqu’à aujourd’hui, la bouse de vaches, les excréments de certains ruminants comme les chameaux étaient peu valorisés dans mon pays. J’ai voulu changer cela », explique cette dynamique entrepreneure.
« On peut trouver la matière première partout : à la ferme, au village, à l’abattoir et bien sûr chez soi. C’est une source quasi inépuisable », ajoute-t-elle. De fait, en Mauritanie, la production de bétail est un pilier de l’économie nationale et représente plus de 15 % du PIB, soit des milliers de tonnes de déjections animales par an. Largement de quoi produire des quantités immenses de biogaz.
Une source d’énergie propre
Une fois récolté, le fumier de bétail est placé dans un biodigesteur, une solution naturelle de valorisation des déchets organiques qui permet de produire à la fois un gaz combustible, le biogaz, mais aussi un fertilisant très efficace, le digestat. « La production dure entre 15 et 45 jours suivant la saison », détaille Aziza Sidi Bouna.
« L’avantage de notre biogaz est qu’il est neutre en carbone. Pour le produire, nous n’utilisons aucune énergie fossile pour extraire le gaz. Cela s’appelle la méthanisation et c’est 100% naturel », déclare Aziza Sidi Bouna, fondatrice et PDG de SB-GAZ.
« Nous avons commencé à concevoir plusieurs prototypes de biodigesteurs depuis 2019 », poursuit-elle. « Le biogaz qui en sort est une énergie propre que l’on peut produire à coûts abordables. C’est bien moins coûteux que le gaz utilisé traditionnellement pour cuisiner ». Et pour le démontrer, l’ingénieure met en avant un argument imparable : grâce à un kilo de bouse de vache, on pourrait produire selon elle du gaz pour une à deux heures de cuisson douce.
Mais ce n’est pas tout. Les biodigesteurs d’Aziza Sidi Bouna permettent également de transformer les excréments et déchets organiques en engrais biologique, excellent pour augmenter les rendements agricoles. Et d’affirmer : « sur 100 kilos de déchets organiques digérés par la machine, on récupère 10 kilos de fumier qui sont aussi voire plus performants que de l’engrais chimique ».
Une affaire de famille
Pour mener à bien son grand projet, Aziza Sidi Bouna n’est pas seule. Son bras droit, le directeur technique de SBGAZ, n’est autre que son père Ahmed Sidi Bouna. Cet ingénieur en économie rurale est particulièrement fier de sa fille qu’il a toujours soutenue, plus encore dans un pays où les femmes sont souvent cantonnées aux travaux domestiques. Ensemble, ils veulent démocratiser les biodigesteurs dans toute la société.
Dans le camp de réfugiés de Mbera, grâce à un financement du Comité International de la Croix-Rouge, ils ont installé plusieurs biodigesteurs pour le difficile quotidien des familles. À Bassikounou, au sud-est du pays, c’est un biodigesteur industriel, le premier de SBGAZ, qui est en fonctionnement. “Presque quotidiennement, c’est plus de 200 foyers qui viennent y remplir leurs bouteilles de biogaz”, se félicite Aziza.
Pour lui permettre de voir grand, le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) lui a octroyé un financement de 150 000 dollars. “Mon vœu est que dans le futur, tous les ménages mauritaniens mais aussi sahéliens puissent utiliser une source propre et accessible », rêve-t-elle.
Une alternative aux énergies fossiles
Un rêve qui semble à portée de main et qui, s’il se réalise, aurait un impact concret. En effet, généraliser le biodigesteur dans les ménages mauritaniens limiterait la dépendance aux énergies fossiles comme le pétrole ou le charbon, importés en grande partie de l’étranger. Cela réduirait ainsi les émissions de combustibles fossiles qui contribuent au réchauffement climatique. « Avec mon projet, je veux contribuer à limiter les émissions de gaz à effet de serre pour l’avenir de nos enfants et de notre planète. C’est l’enjeu de notre siècle et ma responsabilité en tant qu’entrepreneure », martèle-t-elle.
Protéger l’environnement en produisant une énergie verte, c’est donc la promesse d’Aziza Sidi Bouna, qui espère créer des centaines de nouveaux emplois grâce au développement de cette nouvelle filière. La jeune femme emploie déjà cinq salariés âgés de 28 à 45 ans, dont deux femmes.« Et bien plus à l’avenir », sourit-elle, confiante.
L’avenir, Aziza y croit pour elle mais aussi tous les jeunes de son pays. Son parcours, elle veut l’ériger en exemple pour toute la jeunesse mauritanienne et même au-delà. « Je veux changer la mentalité des jeunes ici, au Sahel et même en Afrique. Nous, la jeunesse, avons le pouvoir de changer les choses », conclut Aziza Sidi Bouna.