La Dépêche – Lors des réunions gouvernementales, il y a ce que dit le président à tous les ministres présents pour les galvaniser à bien remplir leurs missions. Mais il y a aussi les apartés que tient le président avec ses plus proches collaborateurs notamment le PM et son Dircab.
Chaque semaine, le président rappelle, lors des réunions hebdomadaires du gouvernement, aux ministres ce qui est attendu d’eux. D’abord «être efficace» et de «s’investir politiquement». C’est-à-dire descendre dans l’arène politique.
Mais il les met surtout en garde contre «l’indélicatesse avec les deniers publics». Une mission “ingrate” qui risquerait de “se retourner politiquement” contre lui.
Des détourneurs nés sous de “bonnes étoiles”
Rare celui qui connait aujourd’hui, comme le premier Ministre, Mokhtar Ould Diaye, les rouages et les secrets bien gardés des pratiques de l’Administration publique, pour l’avoir vue à l’expérience quelques années au moins aux commandes du ministère des finances ; celui par lequel transite toutes atteintes à la chose publique.
Le PM se sait mal aimé par un grand pan des acteurs économiques notamment qu’il n’avait pas ménagés sous l’ancien régime. Si l’on ne nie pas ses qualités personnelles, aurait-il les coudées franches ou parfois simplement le courage de faire bouger les lignes ? Pourra-t-il (ou voudra-t-il) mettre le pied dans la ruche de l’Etat profond au risque d’essuyer des salves des mentors présumés des détourneurs des deniers publics ?
Est-ce que le président lui servira de bouclier contre les vagues d’attaques contre lui de certains segments aujourd’hui bien introduits dans le sérail présidentiel. Il en coûtera, sans doute, au premier Ministre pour faire respecter la chose publique sachant qu’au départ l’Inspection générale de l’Etat, bras armé du gouvernement dans la lutte contre la gabegie, est, depuis une encablure, logée à la présidence et dépend donc directement du président de la République lui-même.
Mais le premier Ministre continue, cependant, d’avoir entre ses mains d’autres outils de contrôle de gestion des deniers de l’Etat qu’il pourrait actionner pour aiguillonner l’IGE sur les pratiques néfastes des administrateurs ?
Après l’euphorie, le désarroi
Le président et le Pm savent pourtant que les temps sont durs. C’est sans doute ce qu’ils se disent hors micro depuis l’investiture du président. Ils devraient aussi penser à trouver des solutions idoines aux préoccupations d’une majorité de mauritaniens qui n’arrivent pas à joindre les bouts. Et ce n’est pas du tout rassurant à l’orée d’un dernier mandat présidentiel qui restera gravé dans la mémoire collective des mauritaniens comme le meilleur ou le pire des souvenirs du président Ghazaouni.
Maintenant passée l’euphorie du succès et alors que tous les ministres (mais aussi les secrétaires généraux des départements) ont pris leurs positions dans les startingblocks, l’heure est à l’action. Une action qui aurait pu être « sereine » du fait de la disparition des radars d’une opposition sacrifiée par l’émiettement ou même l’implosion programmée.
Il y a, en effet, de moins en moins de contrepouvoirs significatifs pour faire pression sur le nouveau gouvernement. Biram Dah Abeid, l’un des rares opposants encore en vue, semble s’être auto-éclipsé ces derniers temps. L’Opposition s’exprime plus aujourd’hui bien à travers un wokisme numérique que par des mobilisations de terrain ou des meetings de partis politiques. Reconnaissons, cependant, que cette opposition virtuelle, fait en tout cas tâche d’huile dans l’opinion.
L’affaire de la CNSS, pour l’exemple ?
Face à la faiblesse des investigations et enquêtes indépendantes pour démystifier les décideurs politiques, faut-il croire que la campagne de transparence est inaugurée avec la récente affaire de limogeage de l’ancien directeur de la CNSS, Ould Taleb Amar, du fait d’un concours de recrutement controversé ? C’est véritablement l’arbre qui cache la forêt.
Le nouveau premier Ministre s’est forgé la réputation d’un commis de l’Etat, sans état d’âme. Loin donc d’être inquiété, le nouveau premier Ministre, fait montre d’une volonté irrévocable d’assainir les finances publiques.
JD