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Fuite des cerveaux mauritaniens : répercussions sur le développement du pays

Le rêve de l’émigration hante beaucoup de jeunes mauritaniens compétents et bien diplômés. Au moins un sur trois envisage de partir, quels que soient les moyens ou la destination, surtout aux États-Unis, en France, au Canada et dans les pays du Golfe. Compte-tenu du taux élevé d’analphabétisme au sein de notre population – plus de 60 %, selon les autorités – cette fuite des cerveaux n’est pas sans conséquence sur les processus de développement de notre pays et a de quoi susciter l’inquiétude. Selon mes estimations, la Mauritanie y a perdu un tiers de ses capacités humaines ; environ 30% de ces émigrés sont des médecins spécialisés, environ 5% des ingénieurs, le reste relevant de divers autres domaines ; 35% de nos étudiants à l’étranger ne retournent pas au pays pour y travailler.

Causes et répercussions

De nombreux étudiants bien diplômés partent en Europe parce ce qu’elle leur procure de nombreux aspects positifs, notamment la garantie des libertés et l’octroi de la citoyenneté avec les mêmes privilèges accordés à ses natifs. Est-ce à dire que l’État mauritanien ne se soit jamais soucié de leur offrir une alternative attrayante ? Des mesures – notamment un recensement précis des mauritaniens hautement qualifiés à l’étranger – furent pourtant prises afin d’attirer nos émigrés mais cette volonté de réintégration s’est heurtée à la bureaucratie de notre administration.

À l’origine, selon moi, des déficiences de nos services médicaux et éducatifs, la fuite des cerveaux affecte également la croissance économique de notre pays. Il s’agit de produire un environnement favorable à leur retour at home, afin que nous puissions bénéficier de leur expertise, en recherchant des stratégies nationales prenant en compte les domaines sociaux et politiques, avec une attention particulière au champ industriel qui éprouve un cruel besoin de leur expérience cumulée. Les discours sur la capacité de nos institutions éducatives à compenser cette émigration montre à quel point nos dirigeants s’efforcent de mettre en place des politiques propres à préserver ces compétences pour notre pays.

Diverses études suggèrent hélas que le nombre de nos talentueux esprits émigrant en Europe et dans les pays du Golfe ne devrait cesser d’augmenter dans l’avenir. Pour atténuer cette hémorragie, l’État adopte diverses stratégies, notamment le développement des infrastructures éducatives, comme dit tantôt, mais aussi la fondation de pôles d’excellence dans des secteurs prioritaires, la mise en place de programmes de bourses, le soutien à l’entrepreneuriat, le renforcement des partenariats internationaux, la valorisation du patrimoine culturel et artistique, et l’instauration d’un  environnement favorable à l’innovation et au développement des talents pour retenir les compétences nationales et stimuler la croissance socio-économique.

Cette lutte est cependant surtout un processus continu qui nécessite des investissements soutenus et une coordination constamment entretenue entre tous les acteurs de la compétitivité afin de construire un avenir prospère pour tous. Nos investissements dans une économie toujours plus dynamique et les bons emplois qui l’accompagnent, dans la réconciliation nationale, dans la science et la recherche sont autant d’éléments qui aideront les Mauritaniens à traverser cette période difficile. Cela impose au gouvernement de placer tous ses concitoyens, dans toute leur diversité, au cœur de tout ce qu’il fait.

La fuite des cerveaux résulte de multiples facteurs interconnectés. Je pense notamment que la recherche de meilleures opportunités de développement professionnel joue un rôle important dans la décision de quitter le pays. Ce fait est un enjeu majeur qui découle de diverses causes spécifiques, comme le manque d’opportunités d’emploi et de structuration de carrière, les salaires peu attractifs, ainsi que les défis liés au système éducatif et à la reconnaissance professionnelle.

Mesures à prendre

Transfert de connaissances : les experts mauritaniens vivant à l’étranger peuvent partager leurs compétences et leurs connaissances avec les acteurs locaux, contribuant ainsi au développement de leur pays d’origine. Renforcement des capacités : les formations, ateliers et collaborations entre experts nationaux et internationaux permettent de renforcer les capacités des institutions locales et des professionnels mauritaniens. Promotion de l’innovation : les expatriés peuvent apporter de nouvelles idées, perspectives et pratiques innovantes en différents domaines, stimulant ainsi l’innovation et le développement. Formation de réseaux : la mise en place de réseaux de collaboration entre les experts mauritaniens à l’étranger et les acteurs locaux peut avoir un impact durable sur le développement du pays. Retour d’expérience : les expatriés peuvent inspirer les jeunes générations en partageant leur parcours personnel et professionnel, encourageant ainsi le développement de futurs leaders et professionnels.

Cheikh Ahmed ould Mohamed

Ingénieur

Chef du service « Études et développement »

Établissement portuaire de la baie du Repos (Nouadhibou)

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